Deuil périnatal : aider les familles avec la photographie

Deuil périnatal : l’association Souvenange

J’ai fait ma première intervention en maternité pour Souvenange quelque mois après avoir rejoint l’association. Nous venions de prendre la décision d’avoir un bébé. Et pendant toute la grossesse qui a suivi, je me suis rendue régulièrement à la maternité pour accompagner des familles endeuillées. Moi qui prévoyais un accouchement à la maison, je ne mettais les pieds à l’hôpital Jeanne de Flandres que pour y rencontrer des bébés décédés…

Ça aurait pû rendre ma grossesse plus difficile. En réalité, ça m’a surtout fait relativiser chaque petit tracas que je pouvais rencontrer. J’appréhendais particulièrement l’échographie du deuxième trimestre, que je savais être souvent décisive. J’avais entendu tellement de parents raconter comment cet examen leur avait révélé une malformation chez leur enfant, qui se soldait finalement par une Interruption Médicale de Grossesse. Alors lorsqu’on a suspecté (à tort) une dilatation pyélocalicielle à Isaac, je ne me suis pas vraiment inquiétée, simplement soulagée qu’il n’ait aucun problème vital.

Mon ventre rond aurait pu perturber les parents que je rencontrais alors qu’ils pleuraient la mort de leur bébé. Mais ça ne faisait qu’augmenter leur gratitude envers notre action bénévole.

Lorsque je prends ces petits bébés en photo, je suis concentrée sur mon travail, je ne ressens pas de tristesse sur le moment. J’agis de façon professionnelle, j’aborde certains détails techniques avec les parents, je les guide éventuellement lorsqu’ils me posent des questions diverses. L’association nous forme au deuil périnatal, et je peux donc leur transmettre une partie des connaissances que j’ai acquises sur les aspects juridiques, légaux… Ils sont également bien accompagnés par l’association Nos Tout-Petits.

C’est souvent dans les jours qui suivent, lorsque les parents m’envoient leurs remerciements, que je craque et que je verse des larmes empathiques. Dès le départ, la formation d’entrée dans l’association nous apprend à ne pas faire de transfert avec les situations que nous vivons. Quelle injustice de voir ces familles souffrir la perte d’un bébé tellement innocent ! Et pourtant, comme pour les professionnels de santé qui les accompagnent, il est important pour nous de ne pas craquer, à la fois à titre personnel mais aussi pour garder la capacité de continuer notre mission.

La mission des bénévoles

Certains bénévoles ne font que de la retouche, d’autres ne font que des séances. Parfois pour des raisons de compétences techniques, d’autres fois parce qu’ils ne se sentent pas en mesure de supporter certains aspects des missions.

Témoignages

Voici quelques témoignages en vidéo sur une association similaire au Québec et une autre en Belgique.

La prise de vue

Nous nous rendons à l’hôpital pour photographier les bébés, seuls ou avec leurs proches. Nous faisons en sorte de réaliser de beaux portraits, sans fioritures. Nous y ajoutons des photos de détails, qui peuvent être plus faciles à regarder ou à montrer (pieds, mains, oreilles…).

Les parents peuvent apporter des éléments particuliers, comme un nounours, un foulard, un vêtement, une carte, une photo (notamment lorsque certains proches ne peuvent pas être présents sur les photos).

Nous restons 30 minutes maximum. Nous pouvons être amenés à manipuler le bébé, ou à le demander au personnel médical ou aux parents (certains parents tiennent à s’occuper de leur bébé).

Lorsque les malformations sont visibles, nous pouvons faire certaines photos qui les masquent tout en faisant d’autres images qui en gardent la « preuve », permettant parfois à la famille de mieux vivre la décision de l’IMG.

Photo : Alexia Quéméner pour Souvenange

Retouches

Le travail de retouche photo des portraits de bébés décédés peut être particulièrement difficile d’un point de vue technique. Qu’il s’agisse des photos professionnelles réalisées par les bénévoles, ou que ce soit des images personnelles envoyées par la famille (prises par eux-mêmes ou transmises par l’hôpital dans le dossier médical), nous faisons en sorte de rendre des photos douces à regarder.

Nous corrigeons les teintes de peau et des lèvres, nous améliorons globalement la photo, nous enlevons les éléments médicaux (comme les tuyaux d’intubation lorsqu’il s’agit de bébés photographiés vivants en réanimation néonatale avant leur décès inévitable), et nous corrigeons toute sorte de petits défauts comme nous le ferions pour n’importe quelle photo professionnelle retouchée. Les règles de l’association nous interdisent de chercher à rendre les bébés ‘vivants’ ou à faire des effets à la mode.

Importance de la mission

Certains parents ne se sentent pas prêts à voir leur bébé à la naissance. Les photos qu’ils conserveront pourront les aider à faire le deuil lorsqu’ils se sentiront prêts à les regarder, même si cela leur prend des années. Le simple fait de posséder ces images a son importance, même sans les visionner.

De belles photos permettront également à l’entourage d’accepter la réalité de l’existence de cet enfant qui n’a pas (ou peu) vécu. Les parents endeuillés souffrent souvent du tabou silencieux qui entourent le deuil périnatal, mais aussi de la négation que certains font de la situation. Nier la vie du bébé, quand bien même elle fut courte ou uniquement foetale, est extrêmement blessant pour les parents.

Les photos pourront également avoir un rôle important à l’avenir, aidant les frères et sœurs à se positionner eux-mêmes ainsi que le tout-petit décédé au sein de leur fratrie.

Comment aider les parents endeuillés

  • Être présent plutôt que de fuir en les laissant dans la solitude
  • Les aider dans le quotidien (ménage, courses, repas, s’occuper des autres enfants de la fratrie, aide administrative…)
  • Leur offrir un cadeau personnalisé au prénom de l’enfant qu’ils ont perdu
  • Les écouter parler de leur bébé
  • Appeler l’enfant par son prénom, le compter dans le nombre de personnes de la famille
  • Penser à eux lors des jours importants (fête des mères, fête des pères, date anniversaire…)

Traces mémorielles

En dehors des photos, d’autres traces mémorielles peuvent aider les parents à faire leur deuil, comme les empreintes de pieds et de mains sur papier ou leur moulage en argile, une mèche de cheveux coupée, le bracelet de l’hôpital…

Les photos et l’association sont envoyées aux parents dans une boîte incluant une clé USB et des tirages.

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